Couverture médiatique de #fed2015, barrière linguistique et deux solitudes… À qui cela profite-t-il?

Voilà déjà longtemps que la campagne fédérale a été lancée par une chaude journée du début du mois d’aout. Et pourtant, si nous nous trouvions dans l’univers d’une campagne électorale fédérale de 37 jours, nous serions au tout début de celle-ci. C’est pour montrer à quel point beaucoup de chemin reste à parcourir. Cependant, tout ce qui s’est passé depuis le 2 aout dernier ne doit pas être occulté complètement. Une campagne électorale, fut-elle de 79 ou de 37 jours, est un tout qui sert à éprouver les chefs, les candidats, les partis, les questionner sur des enjeux d’importance, sur la gouvernance à venir, sur leurs engagements, leurs promesses.

Une longue campagne électorale permet aussi de dégager des tendances. Et celle-ci sera très intéressante, à mon humble avis, en ce qu’elle révèle une incohérence manifeste dans l’angle de la couverture médiatique selon qu’on se positionne dans le Canada anglais ou au Québec. Je ne prétends pas avoir l’expertise d’un Jean-François Dumas d’Influence Communication, mais comme je serais intéressé à ce qu’une firme comme la sienne se penche de façon empirique sur la question!

En début de campagne, je m’étais donné le mandat d’observer la campagne électorale, entre autre, en fonction de comment on en traitait dans le Canada anglais. Il ne manque pas de ressources médiatiques très intéressantes, pertinentes, pour analyser le pouls de cette campagne dans le ROC; je pense par exemple au site ipolitics.ca, au journal The Hill Times, au groupe Postmedia, et à tous ces journaux plus régionaux qui offrent une perspective plus précise des enjeux de la région qu’ils couvrent comme The Province en Colombie-Britannique ou le Calgary Herald en Alberta que j’aime beaucoup consulter pour ne nommer que ceux-ci.

La barrière linguistique

À moins d’être un vrai crakpote de la politique ou de faire partie de ces métiers qui impliquent de devoir cohabiter des les deux environnements linguistiques, on doit avouer que la dualité linguistique au Canada se pratique en deux solitudes qui se voisinent très peu. Ainsi, il est possible pour un politicien de dire quelque chose à propos des pipelines au Canada à Lethbridge un jour et de dire quelque chose de différent à Mirabel le lendemain. Il est possible pour un politicien de vanter son acharnement à combattre les séparatistes un jour à Toronto et de courtiser les nationalistes une semaine plus tard à Trois-Rivières.

Aussi, on remarque des divergences notables dans l’angle de la couverture de la campagne selon qu’on se place du côté du ROC ou du Québec. J’avais comparé en tout début de campagne la différence évidente de perception quant à la couverture du débat Maclean’s le 6 aout dernier. Plusieurs médias du Québec donnaient Mulcair vainqueur haut la main; du côté du ROC, c’était beaucoup plus partagé et très peu ont donné Mulcair vainqueur, bien au contraire. On remarquait surtout son ton hésitant et son incapacité à ébranler le PM Harper bien qu’il réussissait à le faire en Chambre. Manifestement, il y avait là un écart notable dans la perception, l’analyse du débat en fonction de la dualité linguistique.

Plus récemment, je faisais aussi remarquer que les médias québécois avaient refusé net (mis à part Quebecor) de traiter des commentaires indécents du directeur des communications de « Tom » Mulcair à propos du Pape Benoit XVI. Pourtant, d’autres événements du genre ont été couverts par ces mêmes médias quand il s’agissait de candidats ou de staff politique des autres partis. Au Canada anglais, il y a eu couverture complète de cet événement et tout le monde a suivi l’affaire, en a fait mention.

Une dernière occurrence digne de mention à ce sujet, la critique répétée de nombreux chroniqueurs et commentateurs politiques dans le ROC concernant l’absence de plateforme économique chiffrée de la part du NPD. Cela a fait couler beaucoup d’encre et il s’est écrit nombre de commentaires à ce sujet. Les adversaires du NPD dans le Canada anglais ayant produit le détail de leurs promesses, la réticence du NPD de fournir « ses chiffres » est même devenu sujet de raillerie de la part des chroniqueurs. Un reportage comme celui-ci de CTV News par exemple peut faire très mal à l’image de « bon gestionnaire de l’économie » d’un parti.

Au Québec, cet angle de couverture a été très peu exploité, repris. Pourtant, voilà un dossier qui est d’intérêt peu importe de quel côté de la barrière linguistique on se trouve. Dans sa chronique du matin à Radio-Canada Ottawa-Gatineau, la journaliste du Devoir Manon Cornellier en fait mention en expliquant aux auditeurs de cette chaîne comment la réticence du NPD de produire sa plateforme chiffrée lui faisait mal dans le Canada anglais. Une rare référence au Québec en la matière.

Quiconque s’astreint à une revue de presse quotidienne de la couverture médiatique de la campagne fédérale remarque ce décalage dans le traitement de certains enjeux et c’est ma prétention que le citoyen du Québec qui ne se donne pas la peine (ou incapable de le faire) de compléter l’information qu’on lui offre de la campagne électorale par un panorama d’information de médias anglophones se voit priver de nombreux angles pourtant pertinents.

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L’entrevue de « Tom » Mulcair chez Peter Mansbridge, le Berbard Derome de la CBC, aurait dû faire couler beaucoup d’encre au Québec, ne serait-ce que pour ses explications nébuleuses, incohérentes concernant la loi sur la Clarté et sa position sur le sénat. Voilà deux dossiers qui sont d’intérêt capital pour la population du Québec, surtout venant d’un chef de parti qui aspire à gouverner le Canada.

On a peu fait de cas au Québec du fait que Mulcair a été talonné ferme dans le Canada anglais depuis 3 jours concernant ses explications incohérentes sur la volonté de son parti d’abolir le sénat, de gouverner sans nommer de sénateurs en se fiant à la bonne foi de ceux qui y sont présentement pour passer les projets de loi néodémocrates tout en étant réticent de tenir les discussions constitutionnelles que cela imposerait que de tenir promesse et abolir le sénat; bref de gouverner comme si le Sénat n’existait pas.

Comme dans le cas de l’absence de plateforme économique chiffrée, Mulcair paie cher son incohérence et des textes comme celui de Kady O’Malley font mal au NPD dans le Canada anglais. Voilà qui explique surement en partie pourquoi le NPD recule autant dans les sondages en dehors du Québec, les néodémocrates traînant de la patte en Ontario et ayant perdu toute cette avance que certains leur créditaient au national il y a deux semaines à peine.

Ce décalage dans la couverture des déboires du NPD et le peu d’occurrences de ce fait dans les médias francophones au Québec pourrait-il expliquer que le NPD tarde à descendre dans La Belle Province? La question se pose. Du moins il est aisé de constater que certains des opposants du NPD au Québec doivent subir une couverture médiatique beaucoup plus féroce et c’est indiscutablement le cas du Bloc Québécois, entre autres, mais pas uniquement lui.

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En contrepartie, il sera beaucoup plus facile pour le citoyen québécois de trouver des hagiographies complaisantes de candidates du NPD, comme celle-ci, la seconde du genre pour cette seule candidate du NPD. Quand on compare ce genre de couverture média à ces torchons qui ont trainé des candidates du Bloc Québécois dans la boue, comment ne pas devenir cynique.

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Comment ne pas être cynique (bis) quand des médias omettent volontairement de présenter les engagements électoraux d’un des joueurs d’importance sur la scène fédérale au Québec? Certians diront que le Bloc Québécois n’a plus le nombre de députés qu’il avait, que son importance a diminué; c’est généralement la réponse que se font servir a satiété les recherchistes du Bloc qui peinent à obtenir la couverture médiatique à laquelle le Bloc devrait avoir droit.

Pourtant, ces mêmes médias s’assureront d’une couverture disproportionnée, selon ces mêmes critères, d’un parti comme Québec Solidaire au provincial au Québec. QS n’avait que deux députés sur 125 en 2014 et ne scorait en moyenne que 7 à 8% dans les sondages. Pas de problème pour Françoise David, jamais celle-ci n’a peiné à trouver du temps d’antenne. Bien au contraire…

3 réflexions sur “Couverture médiatique de #fed2015, barrière linguistique et deux solitudes… À qui cela profite-t-il?

  1. Il y a quelques années, j’ai entendu Jean-Francois Dumas d’Influence Communication affirmer lors d’une entrevue que les pourcentages de voix que recueillaient chaque parti politique correspondaient à peu de chose près au pourcentage de leur espace médiatique. De là à affirmer que les médias font les élections, il y a un pas que la concentration médiatique au Québec m’autorise à franchir. Grâce à l’excellente couverture par ce blogue de certains faits occultés au Québec, il ne subsiste plus le moindre doute que la plupart des médias manipulent leur audience, ne serait-ce que par l’omission d’information pertinente.

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  2. En consultant « l’hagiographie complaisante » de Ruth Ellen Brosseau dans le Nouvelliste, quelle ne fut pas ma surprise de constater que le site internet de ce quotidien du Groupe Capitales Médias est hébergé sur la presse.ca, plusieurs mois après la transaction sensée l’avoir soustrait de l’empire Desmarais. A moins que cette transaction n’ait été qu’une façade…

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