Bribes par bribes, le passé de Thomas Mulcair comme ministre libéral au Québec revient le hanter. D’ailleurs, j’avais été frappé par une conférence de presse du chef NPD plus tôt dans la campagne alors qu’il se trouvait en Ontario et que le NPD dévoilait de nouvelles pubs pour les médias sociaux. Deux affiches, tout les partis en font, pour mousser l’expérience du chef en santé comme ministre.
Un hic cependant, une différence marquante entre la pub en anglais et celle en français; le chef choisit de retirer le mot « Québec » de la version anglophone.
Intéressant. Pourquoi volontairement omettre le « Québec » dans la version anglophone? Cela n’est pas fortuit, tout est calculé dans ce type de communication politique bien sûr.
Deux raisons :
A) L’identité québécoise est encore un repoussoir dans le Rest of Canada.
Je cite ici Simon Couillard dans Le Devoir qui a très expliqué ce phénomène :
« Mulcair, trop Québécois pour le ROC? Après avoir remporté presque tous les sièges au Québec, le NPD doit taire cet exploit dans le reste du Canada. L’identité québécoise y sert encore de repoussoir.
Ainsi, ce ne sera jamais un risque pour un Trudeau, mais Thomas Mulcair aurait besoin qu’on oublie le lien qui l’unit, lui et son parti, au Québec. Après avoir remporté près de 80 % des sièges disponibles au Québec, le NPD doit taire cet exploit, car l’identité québécoise, à défaut d’être politiquement désamorcée et transfigurée dans la mosaïque multiculturelle, sert de repoussoir à l’imaginaire canadien. L’ancien défenseur des droits des anglophones, celui qui a combattu au côté de Jean Chrétien et de Jean Charest et qui pourfendait, avec des propos souvent très acerbes, la « conspiration » séparatiste, serait trop Québécois au goût des Canadiens. Ironie du sort. »
B) Un passé de ministre au Québec très controversé
De façon plus concrète, Mulcair préférerait assurément que son passé de ministre au Québec demeure discret, du moins quant au contenu, quant à ses prises de position et tous les combats qu’il a mené dont plusieurs sont aux antipodes du politicien qu’il veut incarner aujourd’hui. Cette transformation est tellement spectaculaire, pour ne pas dire non-crédible, que Mulcair aime bien jouer sur le « titre » de ministre mais moins sur le contenu.
Quand on scrute le passé de ministre de Thomas Mulcair sous le PLQ de Charest, on trouve un homme résolument de droite, vindicatif envers les indépendantistes, les syndicats, les environnementalistes, un homme qui s’est associé, qui s’est identifié plus facilement à l’héritage de Thatcher ou aux revendications de l’Institut économique de Montréal qu’aux citoyens du Mont-Orford qui réclamaient son intervention en tant que ministre pour éviter la privatisation de leur joyau régional.
Ce passé de parlementaire est absolument fondamental alors que Mulcair brique le poste de premier-ministre du pays, mais surtout quand on considère la sévère correction idéologique qu’il impose au parti qu’il dirige. Les médias de Toronto se sont saisis de l’affaire en fin de semaine d’ailleurs.
En cette longue campagne électorale, parions que ces contradictions gênantes ressortiront. Les conseillers en communication du NPD aiment tempérer le flirt de Mulcair avec les Conservateurs par exemple en lui opposant la version de « Tom » des événements du Mont-Orford quand il était ministre de l’environnement au Québec. Mulcair qui quitte en grand défenseur des citoyens de la place, en désaccord avec son parti qui tenait mordicus à privatiser la montagne. Mais pas « Tom »!
Le problème? cette version des événements est manifestement, au mieux, romancée, en réalité, selon Le Devoir, elle est carrément fausse.
Quand Mulcair criait YOUPPI après avoir fait annuler une subvention à un groupe environnementaliste…
Autre exemple de ces contradictions franchement indécentes du passé de ministre au PLQ de Thomas Mulcair, cet épisode troublant relaté, encore, par Le Devoir. Jugez par vous-même :
On se demande d’ailleurs qui est « la grande belle-mère » à qui Thomas Mulcair réfère dans sa communication avec son chef de cabinet de l’époque. Voilà un exemple du Mulcair vindicatif, hargneux, le « Angry Tom » que le NPD tente de cacher en toutes circonstances, celui qui pourrait tout bousiller.
Celui aussi qui a été vertement dénoncé par la cour supérieure dans la poursuite qui l’opposait à l’ex ministre péquiste Yves Duhaime, un jugement très dur envers Thomas Mulcair.
En définitive, quand on constate la facilité avec laquelle Mulcair tend à dire une chose et son contraire tant que cela le sert politiquement, comment ne pas rappeler cette citation célèbre du chef du NPD à l’éditorialiste de La Presse André Pratte quand ce dernier préparait son bouquin Le Syndrome de Pinocchio :
« Malheureusement, d’une manière générale, le seul calcul c’est: est-ce que je vais me faire pogner? Sinon, les gens se sentent assez libres de manipuler les journalistes et de dire n’importe quoi. »
Mulcair espère justement que cette longue campagne ne l’exposera pas complètement; il espère tout simplement « ne pas se faire pogner ».